Hubert Konrad

  • Co-​fondateur Art­price, Galerie Hubert Konrad

A Star Is Born

C’est une pas­sion com­mune pour la vie noc­turne qui m’a fait ren­con­trer Alain Godon au début des années 90. Sa capac­ité à garder un œil vif et une con­ver­sa­tion cohérente tout au long de la nuit, nous per­mit d’échanger de longues phrases dès le départ.

Mes amis m’appellent Alain ! » me lança-​t-​il. Sitôt dit, sitôt fait, on s’appela par nos prénoms. Le tutoiement tomba de source une ami­tié était née.
Dès ma pre­mière vis­ite à l’appart ’ate­lier, je ressen­tis l’émerveillement d’un enfant face aux vit­rines de Noël. Je les voulais tous. Plus ils descendaient de la mez­za­nine plus je les désir­ais. Comme un défilé de man­nequins, toute une foule de per­son­nages descendait l’escalier en col­i­maçon. Cha­cune de ces toiles avaient son lot de détails anec­do­tiques. Une his­toire à racon­ter. Cette pre­mière péri­ode de por­traits fut un grand moment de rires mais aussi de prise de con­science.
Conscience que le medium fonc­tion­nait, une forme de télé­pathie par les arts plas­tiques. Appelons cela pudique­ment un don. Mais un coup de pouce de la nature qui doit être exploité avec bien d’autres qual­ités tant intel­lectuelles que manuelles. Laissons-​le imag­iner tout seul lesquelles, l’ordre du jour n’est pas à l’épitaphe.
A force d’heures assis en coin sur un tabouret, face à la toile, pinceau aux doigts, tubes dans les tiroirs, l’artiste se boni­fie comme un vin dans son baril de chêne. Car la pein­ture à l’huile ne se laisse pas apprivoiser au pre­mier rendez-​vous. Le repen­tir est sévère, la puni­tion impose une longue attente avant de pou­voir repren­dre l’impair.
Au détour d’un pas­sage chez le « maitre per­ché » (tou­jours sur son tabouret) Alain, por­tant un regard empathique sur les tiroirs débor­dants de tubes d’huiles mul­ti­col­ores, prononça cette phrase mag­ique : « Regardes Hubert, tous ces tubes, sont main­tenant mes amis, je les con­nais un par un. Je les aime ». Le con­stat inex­orable que l’art était au ser­vice de l’artiste plus que le pein­tre au ser­vice de l’art.
Cette indépen­dance tech­nique lui per­mit dès lors d’avancer au fond de son univers créatif. Aidé du regard bien­veil­lant de ses admi­ra­teurs, l’artiste, tel Spi­der­man, s’attaqua aux immeubles parisiens et belles vil­las opa­lines. Par un effet de tor­sion dont il a le secret, les façades se mirent à danser, les mas­sifs par­ler aux fontaines. Par­fois copié mais jamais égalé, Godon jamais ne s’use. Les villes tombèrent une à une sous les attaques de sa palette: Paris, Ams­ter­dam, New-​York bien­tôt Miami.
Le dessin juste et pré­cis n’est pas le seul respon­s­able de ce suc­cès. Le jeu des couleurs ose des aven­tures risquées qui s’avèrent être un délice pour le regard voire une thérapie. Le spec­ta­cle d’un Godon est bon pour la santé. Placebo ? Que nenni ! Cet art vous soigne le cœur et l’âme. A quand les Godons rem­boursés par la sécu?
Voilà pour les fleurs ; main­tenant Alain n’est pas seule­ment un bour­reau de tra­vail mais aussi un per­fec­tion­niste qui impose à ceux qui l’entoure effi­cac­ité et dis­ci­pline. Il met aussi cette énergie dirigeante au ser­vice des autres. Créa­teur du pre­mier salon totale­ment gra­tuit pour les artistes en devenir. Alain sait que la vie n’est pas un long fleuve tran­quille, il jette ainsi des ponts sur le Styx lais­sant Cer­bere aux portes de l’enfer de l’art. La route vers le ciel est ouverte.
Con­tinue Alain !
Le par­adis c’est les autres !
Hubert Kon­rad