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Témoignage de Mr Castelain
Président d’Artclair Editions et rédacteur en chef du Journal des Arts et de L’Œil, France

Témoignage de Mr Castelain

Photo de gauche : Trophée Alain Godon, remise des prix

 

L’artiste mécène

 

Alain Godon est un artiste mécène singulier. Un mécène dans le vrai sens du terme. Pas un mécène à la manière de ces artistes reconnus qui lèguent une partie de leurs œuvres à la condition expresse qu’elles soient exposées dans une salle de musée, ou mieux dans tout un musée, et qui portent leur nom pour l’éternité. Pas un mécène à la manière de ces collectionneurs fortunés qui ouvrent une fondation éponyme pour y exposer leur collection. Pas un mécène à la manière de ces grandes entreprises du CAC 40 qui défiscalisent leur impôt sur les sociétés en donnant de l’argent à une grande exposition ou pour l’acquisition d’un Trésor National. Non Alain Godon est un vrai mécène, généreux et désintéressé. Depuis quatre ans, il finance avec son argent et son temps (ce qui est un peu la même chose), le Festival du Touquet, un festival d’art ouvert à tous. Celui-ci se tient le premier week end de juillet dans cette station balnéaire où les maisons cossues, ouvertes et entourées de pelouse tondue de près révèlent une bourgeoisie attachée à son ilot protégé. Un havre de paix violenté chaque année par des milliers de motards venus assister à un enduro sur les superbes plages de la Manche. Mais c’est une horde bien plus pacifique qui déferle au début de l’été dans le Palais des Congrès ou le bâtiment néo médiéval de la mairie. Une horde de peintres amateurs ou professionnels, d’étudiants aux beaux-arts, venus avec femme et enfants exposer leur travail. Tout cela sans débourser un euro. Car Alain Godon s’accroche comme une arapède à son rocher à son concept de gratuité. Ni frais d’inscription ni frais d’exposition comme on le voit très souvent dans ce type de manifestation, histoire de couvrir les couts d’organisation. Il tient à ce qu’aucune barrière, si ce n’est celle du talent n’empêche un artiste de concourir.

 

Alain Godon a des comptes à rendre avec l’argent. Il ne vient pas d’un milieu défavorisé, mais il en a manqué pendant de longues années. Il se souvient de ce temps où il dessinait à la craie sur les trottoirs de Brighton, pour gagner de quoi s’alimenter et s’abriter. Il sait ce que sont les privations et les petites humiliations de la vie. Et maintenant qu’il est un peintre reconnu et coté, la seule revanche qu’il souhaite prendre sur ses années sombres, c’est justement de les éviter aux autres. Nouveau riche, Alain Godon est à mille lieux  de la caricature qu’on fait habituellement des fortunés. Il ne compte pas, ne mégote pas et paye plus souvent l’addition qu’à son tour. Mais en plus il le fait avec simplicité, sans ostentation ni désir narcissique. Le Prix donné au lauréat du Festival est un bon exemple : 10 000 euros, plus, selon les années un séjour en Martinique, plus un trophée, plus une exposition dans une galerie, plus un accrochage au Musée du Touquet …. C’est beaucoup, peut-être même trop pour un jeune artiste débutant. Mais Alain Godon y tient à ce Noël avant l’heure qui rattrape inconsciemment ses années à lui difficiles.

 

Mais au fond, la plus belle récompense c’est de pouvoir montrer son travail, un cadeau aux centaines de participants Artiste lui-même, il sait combien il est important de montrer ses œuvres, de se confronter au travail de ses pairs, d’affronter le regard des visiteurs et le jugement du jury. L’artiste est solitaire, mais il y a un temps pour le travail isolé en atelier et un temps redoutable et redouté pour l’exposition en pleine lumière. L’un ne va pas sans l’autre. Il y a finalement peu de lieux ou d’occasions pour ces milliers d’artistes de présenter leur travail. Combien sont-ils au juste ? La Maison des Artistes recense près de 50 000 personnes qui vivent plus (très peu) ou moins (l’immense majorité) de leur art. Mais ils sont dix fois plus à taquiner le pinceau, le crayon, ou le bouton de leur appareil photo. En attendant la consécration, l’exposition en galerie, qui ne viendra jamais pour la très grande majorité d’entre eux, ils présentent leur travail dans des expositions collectives qui maillent la France, dans des salons, encore bien souvent appelés salons de peinture, oubliant que depuis Marcel Duchamp tout peut être de l’art.

 

Le Festival du Touquet n’est pas un Salon comme les autres. Il tire davantage du côté du festival, de la fête populaire que du côté de l’exposition compassée. A l’image d’Alain Godon. Le tout dans un mélange de professionnalisme et de naïveté sympathique dans l’organisation. On n’est pas dans une fête patronale de province. La plupart des salons de peinture, aussi sympathiques soient-ils, sont en général limités à une cinquantaine d’exposants, tout au plus une centaine. Changement d’échelle avec le Festival du Touquet et ses 500 participants. Loin d’être confinée dans un lieu ingrat, l’exposition se déploie dans l’amusant bâtiment néo médiéval de la mairie et au très chic Palais des congrès. Alain Godon ne cache pas ses sympathies politiques égalitaristes et les met en œuvre au Festival. C’est « un artiste, un mètre », entendez par là que tout le monde est logé à la même enseigne et dispose de la même surface que les autres. Lors des deux premières éditions, les tableaux étaient simplement posés sur les chaises alignées les unes contre les autres, formant un long serpentin dans les salles. Pour la troisième édition, des cimaises sont apparues, et on promet que pour la quatrième édition, les artistes n’auront plus à griffonner sur une feuille de papier le nom et la technique de l’œuvre. Alain Godon est l’âme du Festival, tel le GO d’un Club Med, en short et en Tee Shirt aux couleurs de l’événement, il court sans cesse d’un lieu à l’autre, parle aux artistes, calme les mécontents, encourage les timides, fait des discours, brocarde gentiment le maire, soigne les VIP. C’est un flux constant d’énergie.

 

On chercherait en vain ses œuvres. Là où beaucoup de salons de peintures sont organisés par et surtout pour le même artiste, invité d’honneur de toutes les éditions, au Festival du Touquet, la star c’est Alain Godon, et pas son travail. Il n’en a pas besoin. Ses œuvres sont vendues avant même d’être commencées et d’ailleurs son carnet de commande est rempli pour des années. Chaque jour passé à l’organisation du Festival, c’est un jour de moins pour son travail, un jour de moins pour les tableaux qu’attendent ses collectionneurs, ses partisans devrait-on dire. Combien de Touquettois, et surtout de Touquettoises car le gaillard avec son allure à la d’Artagnan porte beau, font le siège du peintre pour que celui-ci leur cède une œuvre. Je l’ai constaté personnellement à plusieurs reprises, y compris lors d’un vernissage parisien où ses fans avaient fait le déplacement.

 

Oui bien sûr Alain Godon aime la scène et les micros, les people et les journalistes. Il a besoin d’être aimé pour ce qu’il est et reconnu pour son travail car le succès lui est arrivé d’un coup et il ne veut pas y croire. Son échelle est aujourd’hui le monde, mais entrer dans les annales municipales comme le Médicis du Touquet ne lui déplairait pas. Et si le Festival devient l’équivalent en art visuel de ce que sont les Vieilles Charrues pour la musique ou Angoulême pour la BD, ce serait amplement mérité.

 

 

Jean-Christophe Castelain

Président d'Artclair Editions et rédacteur en chef du Journal des Arts et de l'Oeil, France