Bre Redana

  • Kom­pas Sun­day Edi­tor, Jakarta, Indonésie

Tarzan !

J’ai fait la con­nais­sance d’Alain Godon chez Jaïs Dar­gaw­i­jaya à Sanur, Bali. Elle m’avait parlé de lui comme d’un ami, artiste français, qui était en vis­ite et qui séjour­nait chez elle. Quand je suis arrivé de Jakarta, Godon n’était pas là. En me mon­trant le pavil­lon où il logeait, la bonne m’a con­firmé qu’il était sorti. La rési­dence est com­posée de quelques pavil­lons, deux piscines et un « balai daja », endroit où l’hôte et ses invités traî­nent pour le vin, la nour­ri­t­ure et la con­ver­sa­tion. C’est une mai­son intime et con­fort­able ; cer­tains dis­ent même que si Ubud a son Aman­dari, Sanur a son Amanjais.

En fin d’après-midi, il tombait des cordes. Nous étions tous invités à dîner chez Astari et Pin­tor Sir­ait, des artistes indonésiens, tou­jours dans les envi­rons de Sanur. Tous, je veux dire Jais, ma femme et moi, nous apprê­tions à par­tir mais nous atten­dions Godon, qui ne s’est pas mon­tré. Pen­dant que la maitresse de mai­son se remaquil­lait dans ses apparte­ments, j’ai vu une ombre s’approcher de la porte en verre. Je me suis levé pour ouvrir à un homme, les cheveux aux épaules et trem­pés par la pluie. Il n’était pas habillé, presque tout-​nu… que son slip ! «Salut, je m’appelle Godon» dit-​il. « Ah bon, c’est donc Godon » me suis-​je dit, « il ressem­ble à Tarzan. »
Je serre sa main tiède. Ma pre­mière impres­sion fut : chaleureux, spon­tané, avenant et drôle. Je ne me suis pas trompé car en faisant plus ample con­nais­sance, j’ai décou­vert quelques-​unes de ses œuvres qui reflé­taient tout à fait son car­ac­tère. Les toiles de Godon sont le témoignage évo­ca­teur d’un récit enfan­tin, spon­tané, hon­nête et éparpillé d’ironies hila­rantes.
Le lende­main après-​midi, je l’ai vu ten­tant de com­mu­ni­quer avec la bonne de Jais. Apparem­ment, il cher­chait ses habits, qui, en toute prob­a­bil­ité, après lavage n’étaient pas arrivés chez leur pro­prié­taire ou qui, peut-​être, avaient été déposé dans le mau­vais pavil­lon. «Si l’on ne retrouve pas mes vête­ments pour mon retour en France, c’est comme ça que j’irai à l’aéroport» dit-​il en pointant le doigt vers son caleçon ! A par­tir de ce moment, il me fut impos­si­ble d’effacer de ma mémoire ma pre­mière impres­sion : Godon est comme Tarzan !